En 2018, j’ai vu le premier spectacle du Cirque Le Roux intitulé The Elephant in the Room, à Bobino à Paris. Ce spectacle que j’ai adoré, m’a beaucoup marquée. D’ailleurs, j’ai écrit un article à ce sujet, consultable >>ici<<. Cette fois, je me suis déplacée à Orléans et j’ai invité ma maman à m’accompagner pour découvrir leur troisième spectacle. J’avais beaucoup d’attentes et je n’ai pas été déçue, bien au contraire. Le titre de ce nouveau spectacle, Entre Chiens et Louves, est un dérivé de l’expression « entre chien et loup » évoquant le crépuscule, ce moment où l’on a du mal à distinguer un chien, d’un loup. Les noms employés au pluriel, et au féminin pluriel peuvent suggérer les prérogatives assignées aux genres qui s’évanouissent quand vient la nuit ouvrant les portes du rêve …
On découvre sur scène, une mystérieuse façade classique blanche. Elle s’avère, par la suite, receler de nombreux secrets. Tout d’abord support de projection vidéo, elle accueille le générique annonçant le nom de toutes les personnes ayant participé à la création de ce spectacle. La façade se déploie en plateformes pour dévoiler trois appartements. On peut penser qu’il s’agit du même appartement qui a traversé plusieurs époques. En effet, bien qu’elle soit de couleur différente dans chacun des appartements, on retrouve la cheminée comme élément central de la pièce. Telles des boîtes lumineuses, les pièces s’éclairent pour nous donner la sensation d’observer des scènes de vie, tout en restant tapis dans l’ombre. La mise en scène joue un rôle essentiel dans ce spectacle, la façade se déplie au fur et à mesure tel un origami : on y découvre notamment un ascenseur. Elle est particulièrement bien conçue pour renouveler sans cesse le décor en manipulant les différents éléments qui la compose.
Alex nous est présenté par sa voix off. Il annonce le premier tableau composé par les huit comédiens acrobates, une très belle entrée en matière. Les corps se rencontrent, se repoussent, s’attachent, se lancent, se réceptionnent dans un ballet magnifiquement chorégraphié. Alex est l’un des personnages issus de notre époque, il fait le lien entre les différents protagonistes. En couple avec Tom, ils hébergent Roy, un ami qui se promène en caleçon dans leur appartement. Par ailleurs, Tom exprime de la jalousie au sujet de la fascination qu’éprouve Alex pour les récits de Maud & Louise. Les destins Maud & Louise sont confrontés à la volonté de leurs compagnons. Alex éprouve de l’empathie à la lecture des journaux intimes des deux femmes. Les récits s’arrêtent brutalement le 15 décembre, respectivement en 1850 et 1960. C’est au cours du spectacle que nous allons découvrir les raisons de cette interruption d’écriture. Elles tentent de s’émanciper, chacune à leur façon au risque d’en payer le prix.
Maud sort tout droit de 1960, avec ses grands yeux de biche soulignés par un épais trait d’eyeliner ailé, une coupe courte façon sixties et sa robe trois trous grise. L’entrée de Maud se fait sur You don’t own me, hymne de la liberté, interprété par Lesley Gore. Elle évolue ensuite en combishort et bottes à talons dans un appartement à dominante jaune et orange. Un luminaire à globes d’opaline blanche, quelques cadres au mur. Elle se contorsionne sous l’objectif de son mari passionné par la photographie. Celui-ci semble plus intéressé par les clichés qu’il peut obtenir d’elle qu’à sa personne. Secrètement, Maud confie à son journal, les sentiments qu’elle éprouve pour son amie Elizabeth.
Quant à Louise, elle nous parvient de 1850, et porte un ensemble évoquant une toilette du XIXe siècle, un corset et jupe longue doublée d’un jupon. Elle s’impatiente dans une sorte de boudoir, dont le mur vert est décoré de moulures. Femme de caractère au chignon haut, elle montre son agacement lorsque son compagnon François refuse de l’accompagner au bal. Il l’éconduit en un simple « NON ! » autoritaire. Elle s’exprime alors à travers la pratique de la barre russe et de la danse.
L’association des disciplines circassiennes si subtil est au service de l’histoire. On relève également l’inventivité du Cirque Le Roux avec une mise en scène très travaillée. C’est ce que l’on apprécie dans un spectacle de cirque contemporain. La durée du spectacle est idéale : 1h15, cela permet de rentrer dans l’histoire et au fil des variations de rythme. Ainsi, on passe de tableaux comportant tous les personnages à d’autres tableaux en duos. Rien ne remplace l’expérience d’assister à ce type de spectacle, cependant si vous ne pouvez pas vous y rendre, je vous invite à découvrir la captation >>ici<<. Bien que dépeignant des situations tragiques, Entre Chiens et Louves est une véritable ode à la liberté d’aimer, à la liberté de sortir des carcans sociétaux, à la liberté de rêver et de s’imaginer un autre destin.
Direction Artistique : Cirque Le Roux Mise en scène avec Charlotte Saliou
Auteurs : Lolita Costet-Antunes, Yannick Thomas, Grégory Arsenal et Philip Rosenberg
Interprètes : Mathilde Jimenez (Louise), Maude Parent (Maud), Kaisha Dessalines Wright (Elisabeth), Yannick Thomas (Roy), Grégory Arsenal (Alex), Philip Rosenberg (Tom), Andrei Anissimov (Victor), Tristan Nielsen (François).
Direction visuelle : Cirque Le Roux
Chorégraphie : Maria Carolina Vieira
Direction acrobatique : Cirque Le Roux
Scénographie : Cirque Le Roux avec Benoît Probst
Costumes : Cirque Le Roux avec Clarisse Baudinière
Lumière : Pierre Berneron
Son : Jean-Marie Canoville
Musique originale : Alexandra Stréliski
Directrice de production : Juliette Grandmottet
Administration : Léa de Truchis
Plateau et accesoiriste : Nina Quitté
Diffusion : Blue Line Productions
Pour suivre les actualités de la compagnie : www.cirqueleroux.com