C’est au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence que je suis allée voir le spectacle Donka. J’ai été attirée par le visuel de présentation de cette création : comme en lévitation, un homme s’élance et tourne au centre d’une roue Cyr* sur un parterre de pétales de roses. La silhouette puissante inscrite dans ce cercle en mouvement est une image d’une esthétique épurée qui m’a donnée envie de découvrir Donka. Ce tableau apparaît en seconde partie du spectacle. Il est encore plus magique en réalité qu’en photographie car une pluie de pétales de rose accompagne chacun des mouvements de l’acrobate.
Au cours du spectacle, les tableaux se succèdent et ne se ressemblent jamais. On pénètre les rêveries d’Anton Tchekhov jusqu’à ce que la clochette (Donka) située au bout de la canne à pêche tinte pour prévenir lors d’une prise et nous sorte de nos pensées.
Ce spectacle est une création-hommage à Anton Tchekhov, imaginé par Daniele Finzi Pasca à l’occasion de la célébration du 150e anniversaire de l’écrivain. Voici ce que le metteur en scène nous en dit : « J’ai décidé de découvrir Tchekhov en cherchant les particularités, les détails, en recherchant dans sa vie, entre les pages de ses écrits et ailleurs. J’ai pensé donner une forme aux silences contenus dans ses notes et dans ses journaux et créer des images en partant de ses annotations. Je viens d’un théâtre profondément imprégné du langage des clowns, des jongleurs, du monde délicat et magique de l’acrobatie « .
J’ai profité de ma place, très proche du devant de la scène, pour observer les mimiques et expressions des visages. Les accents des différents personnages ajoutent beaucoup de charme aux scènes théâtrales. J’ai remarqué une petite part d’improvisation en lien avec les alentours de la scène, clins d’œil aux spécificités de la ville de Marseille. Sur un tempo rapide et une chanson entraînante on assiste à l’ouverture. Chorégraphie sur patins à glace, jonglerie, rubans, tissus aériens, roue Cyr, contorsion, portés acrobatiques sont au service de l’imaginaire.
La saynète qui clôture la première partie du spectacle est grandiose. Un lustre de cristal suspendu au centre est composé de glaçons en forme de couronne. Ces éléments diffusent la lumière. Des nymphes en robes blanches vaporeuses semblent suspendues dans les airs. Le rythme s’intensifie et les artistes décrochent tour à tour les éléments constituant le lustre. Ils lancent, jettent, fracassent la glace sur le sol.
J’ai beaucoup aimé le passage du groupe comico-acrobatique en tenue de baigneurs. Toutes les figures sont exécutées au sol, filmées et retransmises en direct sur un écran de tissu sur un côté de la scène. Cela donne lieu à des acrobaties fantaisistes et irréalisables en apesanteur. C’est un joli pied de nez à la gravité.
Plusieurs scènes ont lieu dans un hôpital de fortune plus proche d’une salle de torture. Dans ce cadre, les patients se contorsionnent et tentent d’échapper aux blouses blanches. Il est question de dissection pour découvrir dans quelle partie du corps l’âme se cache. Plus loin, lors d’un monologue on découvre que l’âme des clowns se trouve dans leurs chaussures. L’artiste porte un magnifique costume d’Arlequin à sequins. Cela apporte une part de magie à la réalité du quotidien de médecin d’Anton Tchekhov.
De très belles images nous sont offertes, notamment un théâtre d’ombres s’animant avec objets et personnages. Des jeux d’ombres s’installent sur plusieurs plans, une jeune femme se trouve enfermée dans une bouteille, cette image n’est pas sans rappeler Les aventures d’Alice au pays des Merveilles de Lewis Carroll.
Grâce à cette plongée dans l’univers de Tchekhov, j’ai eu envie d’en savoir plus et de redécouvrir ses œuvres.
Pour suivre les actualités de la compagnie : www.finzipasca.com
Écriture, mise en scène, conception lumière et co-conception chorégraphique : Daniele Finzi Pasca / Musiques et orchestration, conception sonore et co-conception chorégraphique : Maria Bonzanigo / Directeur de création : Antonio Vergamini / Scénographie et accessoires : Hugo Gargiulo / Associée à la création : Julie Hamelin Finzi / Costumes : Giovanna Buzzi / Concepteur vidéo : Roberto Vitalini for bashiba.com / Conception des maquillages et collaboration accessoires : Chiqui Barbé / Conception de la Roue Cyr : Daniel Cyr / Recherche et assistance à la mise en scène : Facundo Ponce de Leon / Coordinatrice artistique : Geneviève Dupéré / Co-conception des éclairages et directeur de production : Alexis Bowles / Artistes : Andrée-Anne Gingras-Roy, Beatriz Sayad, David Menes, Jess Gardolin, Evelyne Laforest, Félix Salas, Francesco Lanciotti, Lydia Gomez, Marco Paoletti, Melissa Vettore, Rolando Tarquini et Stéphane Gentilini