Le spectacle Le Fil sous la neige de la compagnie Les Colporteurs m’a été offert par mon amie à l’occasion de mon anniversaire. Nous avons découvert ensemble le premier spectacle de la saison à l’Académie Fratellini de Saint-Denis.
Tout d’abord nous avons été impressionnées par la beauté de la structure en bois brut qui accueille la piste de la compagnie. Le lieu conçu par Patrick Bouchain est déjà empli de magie. De lourds rideaux rouges s’ouvrent et dévoilent les parties hautes des gradins. Le rouge profond se retrouve également au sol de la piste circulaire délimitée par le tour de piste lumineux. Avant que le spectacle ne commence, nous avons eu le temps d’observer le dispositif multi-fils. Les câbles d’acier se croisent à différentes hauteurs. Aux extrémités des fils se trouvent de petites plateformes. La piste circulaire est adaptée à cette structure car les points de vue sont multiples.
Les deux fondateurs de la compagnie Agathe Olivier et Antoine Rigot reviennent à leurs premières amours à l’Académie Fratellini afin de fêter les 20 ans de la compagnie. Ils s’y sont rencontrés et y ont développé leur passion commune pour le funambulisme.
La voix enregistrée d’Antoine, introduit le spectacle en contant l’histoire de sa chute dans le sable après avoir été happé par une vague. Au sol, sur l’ombre d’un fil, Antoine poursuit l’équilibre. L’histoire intime de ce fildefériste qui suite à son accident doit renoncer à son art est à la fois tragique et inspirante. Il a su se réinventer et ne pas lâcher cette passion en continuant à vivre les sensations du fil par procuration. Il poursuit en privilégiant la mise en scène.
Nous pénétrons le rêve d’Antoine qui nous transporte à travers les sentiers aériens empreints de ses souvenirs. Son imaginaire foisonne d’un panel de sensations. Le premier tableau, une funambule prisonnière d’une chrysalide faite d’un bandage est maintenue par Agathe. Elle s’évade peu à peu en tournant sur elle-même jusqu’à la libération totale de ce cordon ombilical qui la maintenait et contraignait ses mouvements. On associe cette image à l’histoire d’Antoine : s’émanciper du corps entravé pour recouvrer la liberté.
Ensuite, les tableaux sur fils se succèdent, le lien entre eux n’est pas forcément évident. Chaque fil est un chemin, une possibilité. Les artistes s’accrochent, glissent, s’arrêtent, reculent, rebondissent, vacillent, s’allongent ou bien dansent. Le déséquilibre prévu a la part belle dans ce spectacle, il est notamment exploité par Florent Blondeau. Il a suffi d’un instant pour que l’un des acrobates chute, la ferveur du public l’encourage à retenter l’exploit. Nous avons en mémoire l’accident d’Antoine survenu dans un autre contexte. Au bout de plusieurs tentatives, le spectacle reprend et l’autre fildefériste qui exécutait le salto arrière en miroir l’enlace. On sent alors une grande complicité entre les funambules. Agathe couve du regard ses artistes et c’est l’esprit humain du cirque qui nous touche. Les fildeféristes s’observent, s’asseyent régulièrement en portant un regard bienveillant sur les autres. J’ai d’ailleurs été assez surprise de voir que les artistes communiquaient entre eux pendant la performance.
Certaines belles images me restent en mémoire. Lorsque Agathe, élégante parcourt le fil avec ses escarpins corail à talons hauts. Nymphe à la chevelure rousse, Sanja Kosonen se propulse en l’air tout en projetant ses cheveux flamboyants. J’ai aimé observer les ombres portées danser au sol. J’ai imaginé sans mal la sensation des pieds nus sur le câble d’acier. Le rythme varie, une alternance entre fourmillement, tous les artistes s’animant en même temps sur les fils et de temps accordés à des solos ou des duos. Pour finir Agathe retrouve Antoine qui lui retire ses chaussons. Elle lui masse cuir chevelu avec ses pieds nus, lui transmet l’odeur du cuir dont elle est imprégnée, comme pour lui faire revivre ces sensations.
Je termine en partageant avec vous cette citation sélectionnée par Antoine, provenant de Neige, roman de Maxence Fermine. Cet écrit a été un point de départ, une inspiration pour ce spectacle.
« En vérité, le poète, le vrai poète, possède l’art du funambule. Écrire c’est avancer mot à mot sur un fil de beauté, le fil d’un poème, d’une œuvre, d’une histoire couchée sur papier de soie. Écrire c’est avancer pas à pas, page après page, sur le chemin du livre. Le plus difficile ce n’est pas de s’élever du sol et de tenir en équilibre, aidé du balancier de sa plume, sur le fil du langage. Ce n’est pas non plus d’aller tout droit, en une ligne continue parfois entrecoupé de vertiges aussi furtifs que la chute d’une virgule, ou l’obstacle d’un point. Non, le plus difficile pour le poète, c’est de rester continuellement sur ce fil qu’est l’écriture, de vivre chaque heure de sa vie à hauteur du rêve, de ne jamais redescendre, ne serait-ce qu’un instant, de la corde de son imaginaire. En vérité, le plus difficile, c’est de devenir funambule du verbe. »
Conception et mise en scène : Antoine Rigot assisté de Cécile Kohen
Fildeféristes : Florent Blondeau, Sanja Kosonen, Andreas Muntwyler, Agathe Olivier, Julien Posada, Molly Saudek, Ulla Tikka
Production/Diffusion : Sébastien Lhommeau
Production/Administration : Fanny Du Pasquier
Création musicale : Boris Boublil, Antonin Leymarie, Rémi Sciuto
Scénographie : Antoine Rigot
Design sonore : Stéphane Comon
Création lumière : Thomas Bourreau
Création costumes : Florie Bel
Construction : Patrick Vindimian, Sylvain Georget
Direction technique et régie plateau : Nicolas Legendre
Régie lumière : Thierry Azoulay ou Thomas Bourreau
Régie Son : Stéphane Mara
Pour suivre les actualités de la compagnie : www.lescolporteurs.com